Indemnisation des Accidents de la Circulation
En France, environ 1.8 millions de constats amiables relatifs à des accidents de la circulation sont dressés chaque année, ce qui pose la problématique des conditions d’indemnisation des accidents de la circulation.
Fort heureusement, ces accidents n’occasionnent pour la plupart aucun préjudice corporel, seuls des dégâts matériels sont à déplorer.
Cependant, on dénombre environ 50 000 accidents corporels chaque année.
Bien évidemment, ces accidents engendrent un nombre important de victimes et notamment une dizaine de décès par jour en moyenne.
Parmi ces victimes, on retrouve les conducteurs et passagers de véhicules mais également les piétons, cyclistes ou encore usagers de trottinettes.
Lorsqu’une personne est victime d’un accident de la circulation, se pose la question de son indemnisation.
Le législateur a ainsi prévu une règlementation spécifique en la matière.
La jurisprudence est venue quant à elle préciser la notion d’accident, de circulation et de véhicule terrestre à moteur.
Concernant l’indemnisation, celle-ci est de droit même s’il convient de préciser et de déterminer la notion de responsable de l’accident et de victime.
I/ La loi du 5 juillet 1985 dite loi Badinter
Il convient avant d’évoquer l’apport considérable de ce texte, de rappeler les difficultés rencontrées par les victimes d’accident de la circulation.
La première d’entre elle a sans doute été le problème lié à l’insolvabilité du responsable de l’accident qui a été résolu par l’obligation d’être assuré en février 1958.
La Cour de cassation a sans doute joué un rôle important par son arrêt « Desmares » en date du 21 juillet 1982 estimant que « seul un évènement constituant un cas de force majeure exonère le gardien de la chose, instrument du dommage », exigeant ainsi un comportement de la victime imprévisible et irrésistible pour exonérer partiellement le responsable de l’accident.
Ainsi, la loi du 5 juillet 1985 a pour ambition d’améliorer le sort des victimes d’accident de la circulation et notamment en accélérant la procédure d’indemnisation.
La Cour de cassation est venue préciser que seul le régime institué par cette loi devait s’appliquer, excluant ainsi le droit commun de la responsabilité.
II/ La notion d’accident de la circulation
La loi se contentant de mentionner « accident », la jurisprudence est venue préciser cette notion.
Bien évidemment, tout fait volontaire ne peut être considéré comme un accident.
Il faut cependant que le dommage soit recherché et non la violation d’une obligation entraînant le dommage tel que le non respect d’un feu de signalisation.
Il en est de même du fait volontaire de la victime.
Dans cette éventualité, les victimes ne sont pas démunis puisqu’elles peuvent bénéficier sous conditions du régime d’indemnisation des victimes d’infraction.
III/ La notion de circulation
Comme souvent, le loi ne pouvant tout définir, le jurisprudence est venue préciser certaines notions.
Ainsi, le fait qu’un véhicule ne soit pas en mouvement n’exclut pas la notion de circulation.
A la notion de circulation, s’est greffée celle d’implication du véhicule.
Dès lors qu’un véhicule est impliquée dans un sinistre, la loi doit s’appliquer, c’est notamment le cas pour un véhicule en stationnement dont l’incendie se propage à d’autres véhicules. (Civ 2e 14/06/2018 17-21401)
Concernant les voies de circulation, l’interprétation de la Cour de cassation est extensive et la loi s’applique également aux voies privées de circulation, tel qu’un parking privé !
La loi ne s’applique cependant pas aux concurrents de compétitions sportives mais elle reste applicable pour les spectateurs qui pourraient être blessés pendant ces évènements.
Enfin, un problème a pu se poser lorsque l’accident est la conséquence d’un instrument de travail qui n’est cependant pas en mouvement.
Ainsi, un accident survenu lors du déchargement d’un camion benne immobilisé sur un plateau ne peut se voir appliquer cette règlementation.
Plus surprenant, l’incendie dû au chargeur de la batterie pendant l’opération de chargement d’un véhicule stationné dans un garage ne peut être indemnisé au titre de la loi du 5 juillet 1985. (Civ 2e 03/05/2006), la Cour de cassation estimant que le sinistre n’est que la conséquence d’un élément d’équipement étranger à la fonction de déplacement.
IV/ La notion de véhicule terrestre à moteur
En la matière, la notion de transport est essentielle.
Est considéré comme véhicule terrestre à moteur, tout engin destiné au transport de personnes ou de choses.
Ainsi, une tondeuse à gazon poussé par l’homme ne peut bénéficier de cette législation contrairement à celle dotée de quatre roues et permettant le transport de personne.
Les engins agricoles sont ainsi considérés comme des VTM.
Le texte exige cependant que le véhicule soit pourvu d’un moteur !
Avec le développement des trottinettes électriques, se pose la question de l’application de ce texte à ce type de véhicule, rien ne permet de l’écarter, ces véhicules n’étant pas fondamentalement différents des cyclomoteurs et étant pourvus d’une motorisation.
Les éléments tractés tels qu’une remorque ou caravane bénéficient également de cette législation dès lors qu’ils sont tractés.
A noter que les trains ne sont pas considérés comme des véhicules terrestres à moteur car ils circulent sur leur propre voie de circulation.
Comme précisé, le véhicule doit être impliqué dans l’accident à savoir avoir joué un rôle actif ou passif dans l’accident.
Ainsi, un véhicule en stationnement est impliqué s’il a joué un rôle dans l’accident.
Cette notion ne pose aucune difficulté quand le véhicule est heurté.
En l’absence de contact, il appartient à la victime d’apporter la preuve de l’implication.
Enfin, en matière de collisions en chaîne, tous les véhicules sont impliqués.
V/ La notion de dommage
En la matière, la loi a consacré un véritable droit à indemnisation, à l’exception de quelques situations.
Ainsi, tout dommage ayant pour cause l’accident de la circulation sera réparé.
Si les dommages directs ne posent aucune difficulté, la Cour de cassation sur la notion de « lien de causalité » a également consacré la réparation des dommages indirects tels que ceux subis pendant une intervention chirurgicale rendue nécessaire par l’accident. (Civ 2e 17/01/2013 12-12158)
La loi ayant pour objectif de faciliter l’indemnisation des victimes, celle-ci a prévu une présomption d’imputabilité du dommage à l’accident.
Ainsi, c’est au responsable de l’accident de démontrer que le dommage est sans relation avec l’accident.
VI/ La notion de conducteur
Même si le conducteur ou encore le gardien du véhicule est responsable de l’accident, l’obligation d’indemnisation pèse en réalité sur l’assureur de ce dernier, l’assurance étant obligatoire.
Si le conducteur ou gardien du véhicule n’est pas assuré, l’indemnisation de la victime dépendra d’un fonds d’indemnisation, le fonds de garantie des assurances obligatoires de dommages.
La notion de conducteur ne semble pas poser de difficultés, s’agissant de celui qui conduit le véhicule.
Cependant, la jurisprudence a été contrainte de préciser cette notion, ainsi n’est pas conducteur celui qui monte ou descend du véhicule.
La victime renversée par son propre véhicule suite à l’oubli du frein à main n’est pas considérée comme conducteur.
Cette notion de conducteur n’est pas anodine car le texte permet au responsable de l’accident de reprocher au conducteur sa simple faute alors que pour les autres victimes, seule la faute inexcusable peut être invoquée.
Un moniteur d’auto-école est considéré comme conducteur du véhicule. (Civ 2e 29/06/2000 98-18847)
VII/ La notion de victime
Là encore, le texte ne pose aucune difficulté concernant les passagers transportés, les piétons ou encore les cyclistes.
Le droit à indemnisation dépend cependant de la qualité de la victime.
Ainsi, la victime non conducteur sera quasiment certaine d’être indemnisée, seule une faute inexcusable et cause exclusive de l’accident pourra remettre en cause son indemnisation.
Il s’agit du piéton mais également du cycliste ou encore de l’utilisateur d’une planche à roulette ou encore de rollers.
Le passager transporté à titre onéreux ou pas bénéficie également de ce droit et ce même s’il est propriétaire du véhicule.
La Cour de cassation a précisé la notion de faute inexcusable, il s’agit de la faute volontaire d’une exceptionnelle gravité exposant sans raison valable son auteur à un danger dont il aurait dû avoir conscience. (Civ 2e 20/07/1987 86-16287)
En pratique, le fait pour un cycliste de rouler en état d’ébriété et de couper la route à un automobiliste est insuffisant à caractériser la faute inexcusable.
Qu’en outre, le faute inexcusable doit être la cause exclusive de l’accident pour exonérer le conducteur.
Enfin, les personnes âgées de moins de 16 ans et de plus de 70 ans et celles atteintes d’une invalidité supérieure à 80% doivent avoir recherché volontairement le dommage pour être privées de leur droit à indemnisation.
Dans l’ensemble de ces cas, soit la victime est privée d’indemnisation, soit elle est totalement indemnisée, il ne saurait y avoir de faute partagée ayant pour effet de réduire l’indemnisation.
Pour le conducteur victime, sa situation est régie différemment.
En effet, lorsqu’il est seul impliqué dans l’accident, sauf souscription d’une assurance particulière, il ne sera pas indemnisé.
Lorsque l’accident implique plusieurs véhicules, le conducteur peut rechercher la responsabilité de l’autre conducteur.
Cependant, il pourra être opposé au conducteur victime sa propre faute.
Tel est le cas du conducteur en état d’ébriété si cette faute est la cause du dommage. (Civ 2e 03/03/2016 15-14285)
Il en est de même pour la victime qui n’a pas mis son casque ou bouclé sa ceinture de sécurité.
Dans ce cas, l’indemnisation peut être limitée.
Lorsque les circonstances de l’accident sont indéterminées, l’ensemble des conducteurs sera indemnisé.
Tout sur les Accidents de la route !
Par Maître Stéphane Dorn, Avocat à Toulon en accident de la route.